
« Le réel danger, c’est que le SPD cède sur la légalisation du cannabis lors des négociations de coalition, pour obtenir des compromis ailleurs. Pourtant, vous voyez bien les gens qui viennent ici: ce ne sont pas des criminels. Mais si on revenait à la prohibition, ils le deviendraient! Ce serait de nouveau une restriction des droits des citoyens. On pousserait de nouveau des millions d’Allemands vers l’illégalité et on redonnerait des milliards au marché noir. »*
Hermann Klatt, président du club d’Erfurt
C’était l’une des promesses fortes du gouvernement Scholz : un an après la dépénalisation du cannabis en Allemagne, 150 clubs de consommateurs ont vu le jour. Garants d’un usage encadré et d’une lutte contre le marché noir, ces « cannabis social clubs » sont au cœur de la réforme. Quel bilan en tirer aujourd’hui? rapporte la RTS.*
Ce mercredi-là, c’est jour de distribution au « cannabis social club » d’Erfurt. Une dizaine de membres attendent leur tour. Deux variétés de fleurs de cannabis, cultivées en dehors de la ville et sous strict contrôle sanitaire, sont proposées.*
La première récolte, en janvier, a produit 30 kilos. Chaque membre peut recevoir jusqu’à 20 grammes par mois, au tarif de cinq euros le gramme — deux fois moins cher que sur le marché noir.*
Les adhérents se disent globalement satisfaits : « L’avantage, c’est qu’on ne doit pas se fournir sur le marché noir. On ne se sent plus dans l’illégalité, et la qualité est bien meilleure. Dans la rue, on ne sait jamais ce qu’on achète », confie une membre du club.*
Un autre ajoute: « J’aimerais que la quantité soit un peu plus élevée. Mais sinon, cette loi est une vraie avancée. Avant, la police me contrôlait souvent, surtout quand j’avais mon cancer, et elle me confisquait mon cannabis. Aujourd’hui, je me sens enfin libre. »*
Nombreux obstacles pour se lancer*
En tout, 450 clubs ont déposé une demande d’autorisation en Allemagne, mais les deux tiers attendent toujours une réponse. Hermann Klatt, président du club d’Erfurt, se rappelle les nombreux obstacles rencontrés au lancement.*
« Lancer un club, ce n’est vraiment pas évident. Il faut des personnes compétentes, prêtes à s’investir. Et surtout, le nerf de la guerre, c’est l’argent. C’est la raison pour laquelle si peu de clubs ont démarré. Nous avons dû rassembler 250’000 euros de fonds privés, sans banque, sans soutien. Tout doit être financé de façon privée. En plus de trouver les gens qualifiés qui sont prêts à prendre le temps nécessaire et se lancer. »*
Malgré cette avancée, la légalisation reste fragile et fortement encadrée. A Berlin, les partis conservateurs ont promis un retour à la prohibition sous le gouvernement Merz. Joachim Herrmann est membre de la très conservatrice CSU bavaroise. Pour lui, la légalisation du cannabis est une erreur.*
« Dès le début, dans le gouvernement régional bavarois, nous avons estimé que la légalisation du cannabis était une erreur, et nous n’avons pas changé de position. La question est en discussion à Berlin, dans le cadre des négociations en vue de former le prochain gouvernement. Pour l’instant, je ne sais pas quelle sera la position du SPD à ce sujet. »*
Avenir incertain de la réforme*
À Erfurt, l’inquiétude grandit face à l’avenir incertain de la réforme, comme le souligne Hermann Klatt.*
« C’est un vrai problème. Malheureusement, les partis conservateurs allemands n’ont pas de vision et s’opposent par principe à certains sujets. Le réel danger, c’est que le SPD cède sur la légalisation du cannabis lors des négociations de coalition, pour obtenir des compromis ailleurs. Pourtant, vous voyez bien les gens qui viennent ici: ce ne sont pas des criminels. Mais si on revenait à la prohibition, ils le deviendraient! Ce serait de nouveau une restriction des droits des citoyens. On pousserait de nouveau des millions d’Allemands vers l’illégalité et on redonnerait des milliards au marché noir. »*
Aujourd’hui, on estime qu’environ 17% des adultes allemands consomment du cannabis.*
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